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LE RÉGIME MODERNE


n’y en avait point qui leur fût plus commode, plus capable de se prêter à leurs fins, mieux adapté d’avance à leur service. En conséquence, sous la troisième République comme sous les gouvernements antérieurs, la machine scolaire continue à rouler et à grincer dans la même ornière, par le jeu du même mécanisme, sous l’impulsion du même moteur unique et central, conformément à la même conception napoléonienne et jacobine de l’État enseignant, conception redoutable qui, chaque année plus envahissante, plus largement et plus rigoureusement appliquée, exclut de plus en plus la conception contraire, la remise de l’éducation aux intéressés, aux ayants droit, aux parents, aux entreprises libres et privées qui ne dépendent que d’elles-mêmes et des familles, à des corps permanents, locaux, spéciaux, propriétaires, organisés par un statut, et régis, administrés, défrayés par eux-mêmes. Sur ce modèle, quelques hommes d’esprit et de cœur, instruits par le spectacle de l’étranger, essayent de constituer, dans nos grands centres académiques, des universités régionales, et l’État va peut-être leur concéder, sinon la chose, du moins le nom et le simulacre de la chose ; mais rien au delà. Par son droit public, par les attributions de son Conseil d’État, par sa législation fiscale, par le préjugé immémorial de ses juristes, par la routine de ses bureaux, il est hostile aux individus collectifs ; jamais ils ne seront pour lui des individus véritables ; s’il consent à les ériger en personnes civiles, c’est toujours à condition de les tenir sous sa tutelle