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L’ANCIEN RÉGIME


« les raves, etc. Il n’a de jouissance que sa paresse et sa lenteur, d’espérance que dans une bonne année de châtaignes, et d’occupation volontaire que d’engendrer ; » faute de pouvoir louer des valets de ferme, il fait des enfants. — Les autres, manœuvres, ont quelques petits fonds, et surtout « vivent sur le spontané et de quelques chèvres qui dévorent tout ». Encore bien souvent, et sur ordre du Parlement, elles sont tuées par les gardes. Une femme avec deux enfants au maillot, « sans lait, sans un pouce de terre », à qui l’on a tué ainsi deux chèvres, son unique ressource, une autre à qui l’on a tué sa chèvre unique et qui est à l’aumône avec son fils, viennent pleurer à la porte du château ; l’une reçoit douze livres, l’autre est admise comme servante, et désormais « ce village donne de grands coups de chapeau, avec une physionomie bien riante ». — En effet, ils ne sont pas habitués aux bienfaits ; pâtir est le lot de tout ce pauvre monde. « Ils croient inévitable, comme la pluie et la grêle, la nécessité d’être opprimés par le plus fort, le plus riche, le plus habile, le plus accrédité, et c’est ce qui leur imprime, s’il est permis de parler ainsi, un caractère de souffre-douleur. »

En Auvergne, pays féodal, tout couvert de grands domaines ecclésiastiques et seigneuriaux, la misère est égale. À Clermont-Ferrand[1], « il y a des rues qui, pour la couleur, la saleté et la mauvaise odeur, ne peuvent se

  1. Arthur Young, I, 280, 289, 294.