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L’ANARCHIE SPONTANÉE


campagnes : tout d’un coup, vers la fin de juillet, la panique, comme un tourbillon de poussière aveuglante et suffocante, roule sur des centaines de lieues. On annonce que les brigands arrivent ; ils mettent le feu aux moissons ; ils sont à six lieues, à deux lieues ; cela est prouvé par les fuyards qui se sauvent à la débandade. — Le 28 juillet, à Angoulême[1], vers trois heures de l’après-midi, le tocsin sonne, la générale bat, on crie aux armes, on monte des canons sur les remparts : il faut mettre la ville en défense contre 15 000 bandits qui approchent, et du haut des murs on découvre avec effroi sur la route un tourbillon de poussière. C’était le courrier qui passait allant à Bordeaux. Là-dessus, le nombre de brigands se réduit à 1500, mais il est avéré qu’ils ravagent la campagne. À neuf heures du soir, il y 20 000 hommes sous les armes, et ils passent ainsi la nuit, écoutant toujours sans rien entendre. Vers trois heures du matin, nouvelle alarme, tocsin ; on se forme en bataille, on est sûr que les brigands ont brûlé Ruffec, Verneuil, Larochefoucauld et autres lieux. Le lendemain, contre les bandits toujours absents, les campagnes arrivent pour prêter main-forte. « À neuf heures, dit un témoin, nous avions dans la ville 40 000 hommes que nous remerciâmes. » Puisque les bandits ne se montrent pas, c’est qu’ils sont cachés : cent hommes à

  1. Archives nationales, D, XXIX. I. Lettre de M. Briand-Delessart (Angoulême), 1er  août. — De M. Bret, lieutenant général de la prévôté de Mardogne, 5 septembre. — Du chevalier de Castellas (Auvergne), 15 septembre (sur les événements de la nuit du 2 au 3 août). — Mme Campan, II, 65.