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LA RÉVOLUTION


cheval et quantité à pied vont fouiller la forêt de Braconne, et, à leur grande surprise, ne trouvent rien. Mais la terreur n’est pas calmée ; « pendant les jours qui suivent, on monte la garde continuellement, on forme des compagnies parmi les bourgeois, » et Bordeaux averti envoie un courrier pour offrir 20 000 et même 30 000 hommes. « Ce qu’il y a de surprenant, ajoute le narrateur, c’est qu’à dix lieues aux environs, dans chaque paroisse, pareille émeute est arrivée, et à peu près à la même heure. » — Il suffit qu’une fille, rentrant le soir au village, rencontre deux hommes qui ne sont pas du pays. C’est le cas en Auvergne : là-dessus, des paroisses entières se sauvent la nuit dans les bois, abandonnant leurs maisons, emportant leurs meubles ; « les fuyards ont foulé, abîmé leurs propres moissons ; des femmes enceintes se sont blessées dans le bois, d’autres sont devenues folles ». L’épouvante leur a donné des ailes ; deux ans plus tard, près du Mont-Dore, on montrait à Mme Campan une roche à pic où une femme s’était réfugiée et d’où on n’avait pu la descendre qu’avec des cordes. — Enfin, les voilà rentrés chez eux, et leur vie, à ce qu’il semble, reprend son train ordinaire. Mais ce n’est pas impunément que de si grosses masses se sont ébranlées, et un pareil tumulte est par lui-même une source vive d’alarmes : puisqu’on s’est levé, c’est qu’il y avait du péril, et, si le péril ne vient pas des brigands, il vient d’ailleurs. Arthur Young, en Alsace et à Dijon[1], entend dire à table d’hôte que la

  1. Arthur Young, 24 et 31 juillet ; 13 et 19 août.