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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« délibérer ; renvoi au comité pour faire son rapport. — Pas du tout, il y a urgence ; le comité arrangera comme il pourra les articles qui ne vaudront rien, si le principe n’a pas le sens commun. » Par cette méthode expéditive, la discussion est étranglée : de parti pris, les Jacobins ôtent à l’Assemblée la réflexion : ils comptent sur son étourdissement ; autant qu’ils le peuvent, ils abolissent la raison au nom de la raison, et ils précipitent le vote, parce que leurs décrets ne supportent pas l’examen. D’autres fois, et notamment dans les grandes occasions, ils les extorquent. À l’ordinaire, on vote par assis et levé, et, pour les quatre cents députés du centre, sous le grondement des tribunes exaspérées, l’épreuve est déjà rude. « Une partie d’entre eux ne se lève pas ou se lève avec le côté gauche[1] » ; si, par hasard, le côté droit a la majorité, « on la conteste avec mauvaise foi, et l’on demande l’appel nominal ». Or, « par un abus intolérable, les appels nominaux étaient toujours imprimés : il est bon, disaient les Jacobins, que le peuple connaisse ses amis et ses ennemis ». Cela signifie que la liste des opposants pourra bientôt devenir une liste de proscription, et les timides ne sont pas tentés de s’y inscrire. Effectivement, la défection s’introduit aussitôt dans le gros bataillon du centre. « C’est un fait certain, dit Hua, et dont nous avons tous été témoins : nous perdions toujours cent voix à l’appel nominal. » — Vers la fin, ils s’abandonnent et ne

  1. Hua, 114.