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LA RÉVOLUTION


avec eux marchent leurs femelles, plus immondes encore et plus sanguinaires. Pour bien marquer que chez eux le meurtre et le vol sont à l’ordre du jour, ils ont massacré comme traître leur premier général Patrix, coupable d’avoir relâché un prisonnier, et ils ont élu à sa place un ancien écumeur de grandes routes, condamné à mort par le tribunal de Valence, évadé la veille du supplice, Jourdan surnommé Coupe-tête, parce que, le 6 octobre, à Versailles, il a, dit on, coupé les têtes de deux gardes du roi[1]. — Sous un tel commandant, la troupe grossit jusqu’à former un corps de 5 à 6000 hommes, qui arrête les passants et les enrôle de

    avait dans l’armée avignonnaise au moins 500 déserteurs français. » — Les mêmes au ministre, 21 mai et 8 juin. « On ne saurait tolérer que des brigands enrégimentés établissent, au milieu d’un petit pays que la France environne de toutes parts, la plus dangereuse école de brigandage qui ait jamais avili ou torturé l’espèce humaine. » — Lettre de M. Villardy, président du directoire des Bouches-du-Rhône, 21 mai : « Plus de 2 millions de biens nationaux sont exposés au brigandage et à la destruction totale des nouveaux Mandrins qui dévastent ce malheureux pays. » — Lettre de Méglé, sergent recruteur du régiment de La Marck, arrêté avec deux de ses camarades, 21 mai : « Le corps des Mandrins qui nous avaient arrêtés nous a remis en liberté… On nous a arrêtés parce que nous avons refusé de prendre parti parmi eux, et, sur notre refus, on nous a journellement menacés de la potence. »

  1. Mortimer-Ternaux, I, 379 (note sur Jourdan, par Faure, député). — Barbaroux, Mémoires (édit. Dauban), 392 : « Après la mort de Patrix, il fut question de nommer un général ; personne ne voulait de cette place dans une armée qui venait de donner le plus grand exemple d’indiscipline. Jourdan se lève, déclare que, pour lui, il est prêt à accepter. On ne répond rien ; il se nomme lui-même, demande aux soldats si on le veut pour général. Un ivrogne devait plaire à des ivrognes ; on l’applaudit et le voilà proclamé. »