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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


et mariniers armés de faux, de broches et de triques, ils ont fabriqué sept ou huit émeutes, chassé le légat, obligé les consuls à se démettre, pendu les chefs de la garde nationale et du parti conservateur[1], occupé les places municipales. — Puis, de leur bande, ils ont fait une armée qui, pour consigne, a la licence, et pour solde le pillage, toute pareille à celle de Tilly et de Wallenstein, « vraie Sodome errante et dont l’ancienne « eût eu horreur ». Sur 3000 hommes, on n’y compte que 200 Avignonnais ; le reste se compose de déserteurs français, contrebandiers, repris de justice, étrangers sans aveu, maraudeurs et malfaiteurs, qui, flairant une proie, sont accourus de très loin et même de Paris[2] ;

  1. On trouvera le détail de ces faits dans André et dans Soulier, Histoire de la révolution avignonnaise. Le meurtre des sept principaux opposants, gentilshommes, prêtres, artisans, est du 11 juin 1790. — Archives nationales, DXXIV, 3. Le point de départ des insurrections est l’hostilité du janséniste Camus, député à la Constituante. Dans ce dossier, on trouvera plusieurs lettres à lui adressées, à partir d’avril 1790, par les principaux Jacobins d’Avignon, Mainvielle, Raphel, Richard, etc., entre autres celle-ci (juillet 1790) : « N’abandonnez pas votre ouvrage, nous vous en suplions (sic). C’est vous, monsieur, qui, le premier, nous avez inspiré le désir de devenir libres et de réclamer les droits que nous avons de nous réunir à une nation généreuse, dont nous la n’avons été démembrés que par la fraude. » — Quant aux moyens et appâts politiques, ce sont toujours les mêmes. Cf., par exemple, cette lettre d’un Avignonnais, protégé de Camus, à Camus, 13 juillet 1791 : « Je viens d’obtenir de la commune l’usage d’un logement dans l’intérieur du Palais, pour y exercer mon état d’aubergiste… Ma fortune est fondée sur votre bonté… Quelle distance de vous à moi ! »
  2. Archives nationales, DXXIV, 3. Rapport sur les événements du 10 octobre 1791. Ib., F7, 3197. Lettre des trois commissaires à la municipalité d’Avignon, 21 avril, et au ministre, 11 mai 1791 : « Les députés d’Orange nous ont certifié qu’il y


  la révolution. iii.
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