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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


qu’on travaille, et naturellement, quand on leur oppose des formalités, ils se mettent en colère, ils se portent chez Roland, chez le trésorier de la ville, aux comités de section, au comité de surveillance[1], en grondant, en menaçant, et en montrant leurs piques ensanglantées. Voilà la preuve qu’ils ont bien travaillé : ils s’en vantent à Pétion, ils lui font valoir « leur justice, leur attention[2] », leur discernement, la longueur de l’ouvrage, tant de journées à tant d’heures ; nul embarras chez eux, nul doute de leur bon droit ; ils ne réclament que « leur dû » ; quand un trésorier, avant de les payer, veut écrire leurs noms, ils les donnent sans difficulté. Ceux qui reconduisent un prisonnier absous, maçons, perruquiers, fédérés, ne veulent point de récompense, mais « un simple rafraîchissement ». — « Nous ne faisons point, disent-ils, ce métier pour de l’argent ; voilà votre ami, il nous a promis un verre d’eau-de-vie, nous le boirons et nous retournerons à notre poste[3]. » — Hors de leur métier, ils ont la sympathie expansive et la sensibilité prompte de l’ouvrier parisien. À l’Abbaye, un fédéré[4] apprenant que depuis vingt-six heures on avait laissé les détenus sans eau, voulait ab-

  1. Mortimer-Ternaux, III, 175-176. — Granier de Cassagnac, II, 84. — Jourdan, 222. — Méhée, 179 : « À minuit, ils reviennent, jurant, sacrant, écumant de rage et menaçant le comité collectivement de lui couper solidairement la gorge, s’ils ne sont à l’instant payés. »
  2. Mortimer-Ternaux, III, 320. Discours de Pétion sur l’accusation intentée à Robespierre.
  3. Maton de la Varenne, 156. — Jourgniac-Saint-Méard, 129. — Moore, 267.
  4. Jourgniac-Saint-Méard, 115.