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LA RÉVOLUTION


leurs boucles assez vite[1]. D’autres, installés dans les caves des Tuileries, y vendent à leur profit le vin et l’huile de la nation. Quelques uns, élargis huit jours auparavant par le peuple, flairent un plus grand coup s’introduisant dans le Garde-Meuble et y volent pour 30 millions de diamants[2]. — Comme un homme frappé d’un coup de masse à la tête, Paris, assommé, se laisse faire, et les auteurs du massacre ont atteint leur objet : la faction s’est ancrée au pouvoir, on ne l’en arrachera plus. Ni dans la Législative ni dans la Convention, les velléités des Girondins ne prévaudront contre son usurpation tenace. Elle a prouvé par un exemple éclatant qu’elle est capable de tout, et elle s’en vante ; elle n’a pas désarmé, elle est toujours là debout, anonyme et prête, avec son principe meurtrier, avec ses procédés expéditifs, avec son personnel de fanatiques et de sicaires, avec Maillard et Fournier, avec ses canons et ses piques. Tout ce qui n’est pas elle ne vit que sous son bon plaisir, au jour le jour et par grâce. On le sait l’Assemblée ne songe plus à déloger des gens qui répondent aux dé-

  1. Moniteur, XIII, 688, 698 (n° des 15 et 16 septembre). Ib. Lettre de Roland, 701, de Pétion, 711 — Buchez et Roux, XVIII, 33, 34. — Il y a dans le journal de Prudhomme une gravure sur ce sujet (14 septembre), — « Un Anglais, admis à la barre, dénonce à l’Assemblée nationale un vol commis, dans une maison occupée par lui à Chaillot, par deux huissiers et leurs satellites. Ce vol consiste en 12 louis, 5 guinées, 5000 livres en assignats et plusieurs autres effets. » Les tribunaux qu’il a saisis n’osent donner suite à sa plainte. (Buchez et Roux, XVII, 1, 18 septembre.)
  2. Buchez et Roux, XVII, 461. — Prudhomme, les Révolutions de Paris, n° du 22 septembre 1792.