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LE PROGRAMME JACOBIN


leurs de prêtres[1]. Par suite, faute de clergé orthodoxe, il n’y aura plus de culte orthodoxe ; la plus dangereuse des deux manufactures de superstition est fermée. Afin de mieux arrêter le débit de la vénéneuse denrée, nous punissons ceux qui la demandent comme ceux qui la fournissent, et nous poursuivons non seulement les pasteurs, mais encore les fanatiques du troupeau ; s’ils ne sont pas les auteurs de la rébellion ecclésiastique, ils en sont les fauteurs et les complices. Or, grâce au schisme, nous les connaissons d’avance, et, dans chaque commune, leur liste est faite. Nous appelons fanatiques tous ceux qui repoussent le ministère du prêtre assermenté, les bourgeois qui l’appellent intrus, les religieuses qui ne se confessent pas à lui, les paysans qui

  1. Décret du 27 mai et du 26 août 1792, du 18 mars, du 21 avril et du 20 octobre 1793, du 11 avril et du 11 mai 1794. — Ajoutez (Moniteur, XIX, 697) le décret portant confiscation des biens des ecclésiastiques « qui se sont déportés volontairement ou l’ont été nominativement, qui sont reclus comme vieillards ou infirmes, ou qui ont préféré la déportation à la réclusion. » — Ib., XVIII, 492 (séance du 2 frimaire, discours de Forestier). « Quant à la prêtrise, la continuation de son exercice est devenue une honte et même un crime. » — Archives nationales, AF, II, 36 (Arrêté de Lequinio, représentant du peuple dans la Charente-Inférieure, la Vendée et les Deux-Sèvres, Saintes, 1er  nivôse an II). « Afin que la liberté des cultes existe dans toute sa plénitude, il est défendu à qui que ce soit de prêcher ou d’écrire pour favoriser quelque culte ou opinion religieuse que ce puisse être. » Notamment, « il est expressément défendu à tout ci-devant ministre, de quelque culte qu’il soit, de prêcher, écrire ou enseigner la morale, sous peine d’être regardé comme suspect et, comme tel, mis sur-le-champ en état d’arrestation… Tout homme qui s’avise de prêcher quelque maxime religieuse que ce puisse être est, par cela seul, coupable envers le peuple. Il viole… l’égalité sociale qui ne permet pas qu’un individu puisse élever publiquement ses prétentions idéales au-dessus de celles de son voisin. »