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LA RÉVOLUTION


toutes les communes. Nouveaux applaudissements, nouvelles embrassades et nouveaux cris. — Le 9 août[1], par ordre de la Convention, les délégués s’assemblent dans le jardin des Tuileries, et, divisés en autant de groupes qu’il y a de départements, étudient le programme de David, pour se pénétrer du rôle qui leur est assigné dans la fête du lendemain.

Étrange fête et qui exprime bien l’esprit du temps : c’est une sorte d’opéra que les autorités publiques jouent dans la rue, avec des chars de triomphe, des encensoirs, des autels, une arche d’alliance, des urnes mortuaires, et le reste des oripeaux classiques ; pour divinités, des statues de plâtre qui représentent la Nature, la Liberté, le Peuple en costume d’Hercule : rien que des abstractions personnifiées, comme on en peint sur un plafond de théâtre ; rien de spontané ni de sincère ; des acteurs, à qui leur conscience dit qu’ils ne sont que des acteurs, rendent hommage à des symboles qu’ils savent n’être que des symboles, et, dans ce défilé mécanique, les invocations, les apostrophes, les gestes, les postures sont réglés comme par un maître de ballet. Pour un esprit qui a le goût du vrai, cela semble une charade exécutée par des pantins[2]. — Mais la parade est colos-

  1. Moniteur, XVII, 352 (Cf. le Diurnal de Beaulieu, 9 août).
  2. Pour bien comprendre le caractère des fêtes de la Révolution, lire le programme de la Fête civique pour honorer la valeur et les mœurs, commandée par Fouché à Nevers, le premier jour de la première décade du deuxième mois de l’an II (Comte de Martel, Étude sur Fouché, 202), et le programme de la Fête de l’Être suprême à Sceaux, organisée par le patriote Palloy, le 20 prairial an II (Dauban, Paris en 1794, 387).