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LA RÉVOLUTION


l’air, comme une menace vaine ; au bout de quinze jours, il se dissipe en fumée ; les départements ne parviennent qu’à se fédérer par groupes ; ils n’entreprennent plus d’ériger un gouvernement central, et, par cela seul, ils se condamnent à succomber tour à tour, en détail, chacun chez soi. — Bien pis, par conscience et patriotisme, ils préparent leur propre défaite : ils s’abstiennent de requérir les armées et de dégarnir la frontière ; ils ne contestent pas à la Convention le droit de pourvoir, comme elle l’entend, à la défense nationale. Lyon laisse passer des convois de boulets qui plus tard serviront à canonner ses défenseurs[1]. Les autorités du Puy-de-Dôme finissent par expédier contre la Vendée le bataillon qu’elles avaient organisé contre la Montagne. Bordeaux va livrer aux représentants en mission Château-Trompette, ses provisions de guerre, et sans mot dire[2], avec une docilité parfaite, les deux bataillons bordelais qui gardent Blaye se laisseront déloger par deux

  1. Guillon de Montléon, II, 40. — Le contraste des deux partis se manifeste très bien dans cette lettre d’un Lyonnais aux soldats de Kellermann : « Ils vous disent que nous voulons attenter à l’unité de la République ; et ils livrent eux-mêmes les frontières à l’ennemi pour venir égorger leurs frères. »
  2. Ib. t. I, 288. — Marcelin Boudet, les Conventionnels d’Auvergne, 181. — Louvet, 193. — Moniteur, XVII, 101 (Discours de Cambon, 11 juillet). « Nous avons mieux aimé exposer ces fonds (105 millions destinés aux années) à être interceptés, que de suspendre les envois. Le premier soin du Comité de Salut public a été de sauver la République et de faire reposer la responsabilité sur la tête des administrateurs. Ils l’ont bien senti ; aussi ont-ils laissé circuler ces fonds. Ils ont été forcés, par la conduite large du Comité, à concourir eux-mêmes au salut de la République. »