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LE PROGRAMME JACOBIN


millions[1]. Nous reprenons les domaines engagés ou aliénés par l’État depuis trois siècles et davantage : il y en a pour 2 milliards[2]. Nous prenons les biens des communes jusqu’à concurrence de leurs dettes. Nous avons déjà reçu par héritage l’ancien domaine de la couronne et le domaine plus récent de la liste civile. De cette façon, plus des trois cinquièmes[3] du sol arrivent entre nos mains, et ces trois cinquièmes sont de beaucoup les mieux garnis ; car ils comprennent presque toutes les grandes et belles bâtisses, châteaux, abbayes, palais, hôtels, maisons de maîtres, et presque tout le mobilier de luxe ou d’agrément, royal, épiscopal, seigneurial et bourgeois, meubles de prix, vaisselle, bibliothèques, tableaux, objets d’art accumulés depuis des siècles. — Notez encore la saisie du numéraire et de toutes les matières d’or et d’argent ; dans les seuls mois de novembre et décembre 1793, cette rafle met dans nos coffres trois ou quatre cents millions[4], non

  1. Décret du 13 brumaire an II. — Rapport de Cambon, 1er  février 1793. Cambon évalue les seuls biens de l’ordre de Malte et des collèges à 400 millions.
  2. Moniteur, XVIII, 419 et 486 (Rapports de Cambon, 22 brumaire et 1er  frimaire an II) : « Commençons par nous emparer des domaines engagés, nonobstant les lois précédentes. »
  3. Cf. l’Ancien Régime, vol. I, livre I, 21.
  4. Mallet du Pan, Mémoires, II, 19. — Moniteur, XVIII, 565 (Rapport de Cambon, 11 frimaire an II). Sur l’invitation de la Société populaire de Toulouse, le département de la Haute-Garonne a ordonné à tous ceux qui possédaient des objets d’or ou d’argent de les porter aux caisses de leurs districts, pour être échangés contre des assignats. « Cet arrêté a produit jusqu’à ce jour dans les caisses de Toulouse environ 1 500 000 ou 1 600 000 livres en or et en argent. » — De même à Montauban et ailleurs : « Plusieurs de nos collègues, dit Cambon, ont même dé-