Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
LES GOUVERNÉS


1792, s’étend sur tout le territoire ; enfin, l’égorgement des prisonniers fusillés ou sabrés sans jugement à Lyon et dans l’Ouest. Même en exceptant ceux qui sont morts en combattant et ceux qui, pris les armes à la main, ont été fusillés ou sabrés tout de suite et sur place, on compte environ 10 000 personnes tuées sans jugement dans la seule province d’Anjou[1] ; aussi bien les instructions du Comité de Salut public, les ordres écrits de Francastel et Carrier, prescrivaient aux généraux de « saigner à blanc » le pays insurgé[2], et de n’y épargner aucune vie : on peut estimer que, dans les onze départements de l’Ouest, le chiffre des morts de tout âge et des deux sexes approche d’un demi-million[3]. — À considérer le programme et les principes de la secte jacobine, c’est peu : ils auraient dû tuer bien davantage. Malheureusement, le temps leur a manqué ; pendant la courte durée de leur règne, avec l’instrument qu’ils avaient en main, ils ont fait ce qu’ils ont pu. Considérez cette machine, sa construction graduelle et lente, les étapes successives de sa mise en jeu, depuis ses débuts jusqu’au

  1. Camille Boursier, 159.
  2. Ib., 203. Le représentant Francastel annonce « l’intention immuable de purger, de saigner à blanc la génération vendéenne ». — Ce même Francastel écrivait au général Grignon : « Tu feras trembler les brigands, auxquels il ne faut faire aucun quartier ; nos prisons regorgent ; des prisonniers en Vendée !… : Il faut achever la transformation de ce pays en désert. Point de mollesse ni de grâce… Ce sont les vues de la Convention… Je le jure : la Vendée sera dépeuplée. »
  3. Granier de Cassagne, Histoire du Directoire, II, 241. — Lettre du général Hoche au ministre de l’intérieur, 2 février 1796) : « Il ne reste qu’un homme sur cinq de la population de 1789. »