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L’ANCIEN RÉGIME


tations auprès des juges et du Conseil, grâce à l’autorité que donne à leurs plaintes le mécontentement de l’ordre puissant que l’on sent derrière eux, quelque affaire ecclésiastique est décidée dans le sens ecclésiastique ; quelque droit féodal est maintenu en faveur d’un chapitre ou d’un évêque ; quelque réclamation du public est rejetée[1]. En 1781, malgré un arrêté du Parlement de Rennes, les chanoines de Saint-Malo sont maintenus dans le monopole de leur four banal, au détriment des boulangers qui voudraient cuire à domicile et des habitants qui payeraient moins cher le pain cuit chez les boulangers. En 1775, Guénin, maître d’école, destitué par l’évêque de Langres et vainement soutenu par les habitants, est forcé de laisser sa place au successeur que le prélat lui a nommé d’office. En 1770, Rastel, protestant, ayant ouvert une école publique à Saint-Affrique, est poursuivi à la demande de l’évêque et des agents du clergé ; on ferme son école et on le met en prison. — Quand un corps a gardé dans sa main les cordons de sa bourse, il obtient bien des complaisances ; elles sont l’équivalent de l’argent qu’il accorde. Le ton commandant du roi, l’air soumis du clergé ne changent rien au fond des choses ; entre eux, c’est un marché[2] : donnant, donnant ; telle loi contre les protestants, en échange d’un ou deux millions ajoutés au don gratuit. C’est ainsi que graduellement s’est faite, au dix-septième

  1. Rapport de l’agence du clergé de 1775 à 1780, 31 et 34. — Id. de 1780 à 1785. 237.
  2. Lanfrey, l’Église et les philosophes, passim.