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LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ


qui transigent entre eux et se soutiennent les uns les autres composent par leur réunion les libertés publiques. — Ici, un seul corps étant représenté, ses députés ne sont ni chargés, ni tentés de rien concéder aux autres ; son intérêt est leur seul guide ; ils lui subordonnent l’intérêt général, et le servent à tout prix, même par des attentats publics

III

Ainsi travaillent les corps quand, au lieu d’être associés, ils sont séparés. Même spectacle, si l’on regarde les castes et les coteries ; leur isolement fait leur égoïsme. Du bas en haut de l’échelle, les pouvoirs légaux ou moraux qui devraient représenter la nation ne représentent qu’eux-mêmes, et chacun d’eux s’emploie pour soi au détriment de la nation. — À défaut du droit de s’assembler et de voter, la noblesse a son influence, et, pour savoir comment elle en use, il suffit de lire les édits et l’almanach. Un règlement imposé au maréchal de Ségur[1] vient de relever la vieille barrière qui excluait les roturiers des grades militaires, et désormais, pour être capitaine, il faudra prouver quatre degrés de noblesse. Pareillement, dans les derniers temps, il faut être noble pour être reçu maître des requêtes, et l’on décide secrètement qu’à l’avenir « tous les biens ecclé-

  1. Comte de Ségur, Mémoires, I, 16, 41. — Bouillé, Mémoires, 54. — Mme Campan, Mémoires, I, 237 (détails à l’appui).