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LES MŒURS ET LES CARACTÈRES


parées. Le 1er  janvier 1775 la reine « a compté au delà de deux cents femmes qui se sont présentées pour lui faire leur cour ». En 1780, à Choisy, il y a tous les jours une table de trente couverts pour le roi, une autre de trente couverts pour les seigneurs, outre quarante couverts pour les officiers de garde et les écuyers, outre cinquante couverts pour les officiers de la chambre. J’estime qu’à son lever, à son coucher, dans ses promenades, à sa chasse, à son jeu, le roi a toujours autour de lui, outre les gens de service, quarante ou cinquante seigneurs au moins, plus souvent une centaine, et autant de dames ; à Fontainebleau, en 1756, quoiqu’il n’y eût « cette année-là ni fêtes ni ballets, on comptait cent six dames ». Quand le roi tient « grand appartement », lorsqu’il donne à jouer ou à danser dans la galerie des glaces, quatre ou cinq cents invités, l’élite de la noblesse et de la mode s’ordonnent sur les banquettes ou se pressent autour des tables de cavagnole et de tri[1]. Voilà le spectacle qu’il faudrait voir, non par l’imagination et d’après des textes incomplets, mais avec les yeux et sur place, pour comprendre l’esprit, l’effet, le triomphe de la culture monarchique ; dans une maison montée, le salon est la pièce principale ; et il n’y en eut jamais de plus éblouissant que celui-ci. De la voûte sculptée et peuplée d’amours folâtres, descendent, par des guirlandes de fleurs et de

  1. Cochin. Estampes, bal masqué, bal paré, jeu du roi et de la reine, salle de spectacle (1745). — Costumes de Moreau (1777). — Mme de Genlis, Dictionnaire des Étiquettes, article Parure.


  anc. rég. i.
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