Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
L’ANCIEN RÉGIME


mouchoirs en apporte trois dans une soucoupe, et le grand maître de garde-robe offre la soucoupe au roi, qui choisit. Enfin le maître de garde-robe présente au roi son chapeau, ses gants et sa canne. Le roi vient alors à la ruelle de son lit, s’agenouille sur un carreau et fait sa prière, pendant qu’un aumônier à voix basse prononce l’oraison Quæsumus, Deus omnipotens. Cela fait, le roi prescrit l’ordre de la journée, et passe avec les premiers de sa cour dans son cabinet, où parfois il donne des audiences. Cependant tout le reste attend dans la galerie, afin de l’accompagner à la messe quand il sortira.

Tel est le lever, une pièce en cinq actes. — Sans doute on ne peut mieux imaginer pour occuper à vide une aristocratie : une centaine de seigneurs considérables ont employé deux heures à venir, à attendre, à entrer, à défiler, à se ranger, à se tenir sur leurs pieds, à conserver sur leur visage l’air aisé et respectueux qui convient à des figurants de haut étage, et tout à l’heure les plus qualifiés vont recommencer chez la reine[1], Mais par contre-coup le roi a subi la gêne et le désœu-

  1. La reine déjeune dans son lit, et « il y a dix ou douze personnes à cette première entrée… ». Les grandes entrées faisaient leur cour à l’heure de la toilette. « Cette entrée comprenait les princes du sang, les capitaines des gardes, et la plupart des grandes charges. » — En tout trois entrées le matin chez la reine. — Même cérémonial que pour le roi au sujet de la chemise. Un jour d’hiver, Mme Campan présentait la chemise à la reine ; la dame d’honneur entre, ôte ses gants, prend la chemise. On gratte à la porte, c’est la duchesse d’Orléans ; elle ôte ses gants, reçoit la chemise. On gratte encore, c’est la comtesse d’Artois qui, par privilège, prend la chemise. Cependant la reine grelottait, les bras croisés sur sa poitrine, et murmurait : « C’est