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L’ANCIEN RÉGIME


qu’après avoir soupé, c’est-à-dire à trois heures du matin ». — Cette habitude invétérée finit par se tourner en manie et même en quelque chose de pis. « Il n’y a pas d’exemple, écrit Arthur Young, le 26 juin 1789, d’une nonchalance et d’une stupidité pareilles à celles de la cour ; le moment demanderait la plus grande décision, et hier, pendant qu’on discutait s’il serait doge de Venise ou roi de France, le roi était à la chasse. » Son journal semble celui d’un piqueur. Lisez-le aux dates les plus importantes, et vous serez stupéfait de ce qu’il y note. Il écrit rien aux jours où il n’a pas chassé ; c’est que pour lui ces jours-là sont vides. « 11 juillet 1789, rien, départ de M. Necker. 12, vêpres et salut, départ de MM. de Montmorin, de Saint-Priest et de la Luzerne. 13, rien ; 14 juillet, rien ; 29 juillet, rien, retour de M. Necker… 4 août, chasse au cerf à la forêt de Marly, pris un, aller et revenir à cheval… 13 août, audience des États dans la galerie. Te Deum pendant la messe en bas ; l’équipage a pris un cerf à Marly… 26 août, audience de compliment des États, grand’messe avec les cordons rouges, serment de M. Bailly, vêpres et salut, grand couvert… 5 octobre, tiré à la porte de Châtillon, tué quatre-vingt-une pièces, interrompu par les événements ; aller et retour à cheval. 6 octobre, départ pour Paris à midi et demi, visite à l’hôtel de ville, soupe et couché aux Tuileries. 7 octobre, rien, mes tantes sont venues dîner. 8, rien… 12, rien, le cerf chassait à Port-Royal. » — Enfermé à Paris, captif de