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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/219

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LES MŒURS ET LES CARACTÈRES


au Frétoy, à la Planchette, à Soissons, à Reims, à Grisolles, à Sillery, à Braine, à Balincourt, au Vaudreuil, le comte et la comtesse de Genlis promènent ainsi leur loisir, leur esprit, leur gaieté, chez des amis qu’à leur tour ils reçoivent à Genlis. — Un coup d’œil jeté sur les dehors de ces maisons suffirait pour montrer que le premier devoir en ce temps-là est d’être hospitalier, comme le premier besoin est d’être en compagnie[1]. En effet leur luxe diffère du nôtre. Sauf en quelques maisons princières, il n’est pas grand en meubles de campagne : on laisse cet étalage aux financiers. « Mais il est prodigieux en toutes les choses qui peuvent donner des jouissances à autrui, en chevaux, en voitures, en tables ouvertes, en logements donnés à des gens qui ne sont point attachés à la maison, en loges aux spectacles qu’on prête à ses amis, enfin en domestiques beaucoup plus nombreux qu’aujourd’hui. » — Par ce frottement mutuel et continu, les nobles les plus rustiques perdent la rouille qui encroûte encore leurs pareils d’Allemagne ou d’Angleterre. On ne trouve guère en France de squires Western et de barons de Thunderten Trunck ; une dame d’Alsace, qui voit à Francfort les hobereaux grotesques de la Westphalie, est frappée du contraste[2]. Ceux de France, même dans les provinces éloignées, ont fréquenté les salons du

  1. Mme de Genlis, Mémoires, passim. — Dictionnaire des Étiquettes, I, 348.
  2. Mme d’Oberkirch, I, 395. — Le baron et la baronne de Sotenville, dans Molière, sont des gens bien élevés, quoique provinciaux et pédants.