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LES MŒURS ET LES CARACTÈRES


des maîtresses jusqu’à un âge avancé ; il les adorait toujours et les quittait sans cesse. » Le duc de Biron juge embarrassant de trouver un bon gouverneur à son fils : « c’est pourquoi, écrit celui-ci, il en confia l’emploi à un laquais de feu ma mère, qui savait lire et passablement écrire, et qu’on décora du titre de valet de chambre pour lui donner plus de considération. On me donna d’ailleurs les maîtres les plus à la mode ; mais M. Roch (c’était le nom de mon mentor) n’était pas en état de diriger leurs leçons ni de me mettre en état d’en profiter. J’étais d’ailleurs comme tous les enfants de mon âge et de ma sorte : les plus jolis habits pour sortir, nu et mourant de faim à la maison[1] », non par dureté, mais par oubli, dissipation, désordre du ménage ; l’attention est ailleurs. On compterait aisément les pères qui, comme le maréchal de Belle-Isle, surveillent de leurs yeux et conduisent eux-mêmes avec méthode, sévérité et tendresse toute l’éducation de leurs fils. — Quant aux filles, on les met au couvent ; délivrés de ce soin, les parents en sont plus libres. Même quand ils en gardent la charge, elle ne leur pèse guère. La petite Félicité de Saint-Aubin[2] ne voit ses parents « qu’un moment à leur réveil et aux heures des repas » ; c’est que leur journée est toujours prise ; la mère fait ou reçoit des visites ; le père est dans son cabinet de physique ou à la chasse. Jusqu’à sept

  1. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, XII, 13. — Comte de Tilly, Mémoires, I, 12. — Duc de Lauzun, 5. — Beaumarchais, par L. de Loménie, II, 289.
  2. Mme de Genlis, Mémoires, ch. 2 et 3.