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L’ANCIEN RÉGIME


coup sont musiciens, peintres de nature morte ; tout à l’heure M. de Choiseul faisait de la tapisserie ; d’autres brodent ou font des nœuds. M. de Francueil est bon violon et fabrique ses violons lui-même, outre cela « horloger, architecte, tourneur, peintre, serrurier, décorateur, poète, compositeur de musique et brodant à merveille[1] ». Dans cette oisiveté générale, il faut bien « savoir s’occuper d’une manière agréable pour les autres autant que pour soi-même ». Mme de Pompadour est musicienne, actrice, peintre et graveur ; Madame Adélaïde apprend l’horlogerie et joue de tous les instruments, depuis le cor jusqu’à la guimbarde, pas très bien, à la vérité, à peu près comme la reine, dont la jolie voix n’est qu’à demi juste. Mais on n’y met pas de prétentions ; il s’agit de s’amuser, rien de plus ; l’entrain, l’aménité couvrent tout. Lisez plutôt ce haut fait de Mme de Lauzun à Chanteloup : « Savez-vous, écrit l’abbé, que personne ne possède à un plus haut degré une qualité que vous ne lui connaissez pas, celle de faire les œufs brouillés ? C’était un talent enfoui ; elle ne se souvient pas du temps où elle l’a reçu ; je crois que c’est en naissant. Le hasard l’a fait connaître, aussitôt on l’a mis à l’épreuve. Hier matin, époque à jamais mémorable dans l’histoire des œufs, on apporte tous les instruments nécessaires à cette grande opération, un réchaud, du bouillon, du sel, du poivre, des œufs ; et voilà Mme de Lauzun qui d’abord tremble et rougit, et qui ensuite, avec un courage

  1. George Sand, I, 59.