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LES MŒURS ET LES CARACTÈRES


temple au milieu du parc ; cependant plus de trois cents Turcs arrivent, forcent l’enceinte au son de la musique, et emportent les dames sur des palanquins le long des jardins illuminés. — Au Petit Trianon, le parc représente une foire, les dames de la cour y sont les marchandes, « la reine tient un café comme limonadière », çà et là sont des parades et des théâtres ; la fête coûte, dit-on, quatre cent mille livres, et l’on va recommencer à Choisy sur plus grands frais.

À côté de ces déguisements qui s’arrêtent au costume et ne prennent qu’une heure, il est une distraction plus forte, la comédie de société qui transforme l’homme tout entier, et qui, pendant six semaines, pendant trois mois, l’occupe tout entier aux répétitions. Vers 1770[1], « c’est une fureur incroyable ; il n’est pas de procureur dans sa bastide qui ne veuille avoir des tréteaux et une troupe ». Un bernardin, qui vit en Bresse au milieu des bois, écrit à Collé qu’il va jouer avec ses confrères la Partie de chasse de Henri IV, et faire construire un petit théâtre « à l’insu des cagots et des petits esprits ». Des réformateurs, des moralistes font entrer l’art théâtral dans l’éducation des enfants ; Mme de Genlis compose des comédies à leur usage et juge que cet exercice est excellent pour donner une bonne prononciation, l’assurance convenable et les grâces du maintien. En effet le théâtre alors prépare l’homme au monde, comme le monde prépare l’homme au

  1. Bachaumont, 17 novembre 1770. — Journal de Collé, III, 136 (20 avril 1767). — Comte de Montlosier, Mémoires, I, 43. « Chez M. le Commandant (à Clermont) on voulut bien m’enrôler pour les comédies de société. »


  anc. rég. i.
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