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LES MŒURS ET LES CARACTÈRES


cipaux de la cour, le comte d’Artois, les comtes d’Adhémar et de Vaudreuil, la comtesse de Laguiche, la chanoinesse de Polignac. On trouve un théâtre chez Monsieur ; il y en a deux chez le comte d’Artois, deux chez le duc d’Orléans, deux chez le comte de Clermont, un chez le prince de Condé. Le comte de Clermont tient les rôles « à manteaux sérieux ; » le duc d’Orléans représente avec rondeur et naturel les paysans et les financiers ; M. de Miromesnil, garde des sceaux, est le Scapin le plus fin et le plus délié ; M. de Vaudreuil semble un rival de Molé ; le comte de Pons joue le Misanthrope avec une perfection rare[1]. « Plus de dix de nos femmes du grand monde, écrit le prince de Ligne, jouent et chantent mieux que tout ce que j’ai vu de mieux sur tous nos théâtres. » — Par leur talent, jugez de leurs études, de leur assiduité et de leur zèle ; il est évident que, pour beaucoup d’entre eux, cette occupation était la principale. Il y avait tel château, celui de Saint-Aubin, où la dame du logis, pour avoir une troupe suffisante, enrôlait ses quatre femmes de chambre, faisait jouer Zaïre à sa fille âgée de dix ans, et, pendant plus de vingt mois, ne faisait pas relâche. Après sa banqueroute et dans son exil, le premier soin de la princesse de Guéméné fut de mander les tapissiers pour leur faire dresser un théâtre. Bref, de même qu’à Venise on ne sortait plus qu’en masque, de même ici l’on ne comprenait plus la vie qu’avec les travestissements, les mé-

    arrangés et très suspects de Fleury. — E. et J. de Goncourt, 114.

  1. Jules Cousin, Le comte de Clermont, 21. — Mme de Genlis, Mémoires, chap. 3 et 11. — E. et J. de Goncourt, 114.