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L’ESPRIT ET LA DOCTRINE


qu’ensuite, et dépendent tout entières, non de ce que la révélation, mais de ce que l’observation aura fourni. Les sciences morales se détachent de la théologie et se soudent comme un prolongement aux sciences physiques.

III

Par ce déplacement et par cette soudure, elles deviennent des sciences. En histoire, tous les fondements sur lesquels nous construisons aujourd’hui sont posés. Que l’on compare le Discours de Bossuet sur l’Histoire universelle, et l’Essai de Voltaire sur les mœurs, on verra tout de suite combien ces fondements sont nouveaux et profonds. — Du premier coup, la critique a trouvé son principe : considérant que les lois de la nature sont universelles et immuables, elle en conclut que, dans le monde moral, comme dans le monde physique, rien n’y déroge, et que nulle intervention arbitraire et étrangère ne vient déranger le cours régulier des choses, ce qui donne un moyen sûr de discerner le mythe de la vérité[1]. De cette maxime naît l’exégèse biblique, non seulement celle que fait Voltaire, mais encore celle qu’on fera plus tard. En attendant, il court en sceptique à travers les annales de tous les peuples,

  1. Essai sur les mœurs, chap. cxlvii, résumé. « Un lecteur sage s’apercevra aisément qu’il ne doit croire que les grands événements qui ont quelque vraisemblance, et regarder en pitié toutes les fables dont le fanatisme, l’esprit romanesque, la crédulité ont chargé dans tous les temps la scène du monde. »