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L’ESPRIT ET LA DOCTRINE


astronomiques[1] ! Alors seulement, après un crépuscule d’une longueur indéfinie et énorme, on voit en Chaldée, en Chine, commencer l’histoire certaine et datée. Il y a cinq ou six de ces grands centres indépendants de civilisation spontanée, la Chine, Babylone, l’ancienne Perse, l’Inde, l’Égypte, la Phénicie, les deux empires d’Amérique. Ramassons leurs débris, lisons ceux de leurs livres qui ont subsisté et que les voyageurs nous rapportent, les cinq Kings des Chinois, les Védas des Hindous, le Zend-Avesta des anciens Perses, et nous y trouverons des religions, des morales, des philosophies, des institutions aussi dignes d’attention que les nôtres. Encore aujourd’hui trois de ces Codes, ceux de l’Inde, de la Chine et des musulmans, gouvernent des contrées aussi vastes que notre Europe et des peuples qui nous valent bien. N’allons pas, comme Bossuet, « oublier l’univers dans une histoire universelle », et subordonner le genre humain à un petit peuple confiné dans un canton pierreux auprès de la mer Morte[2]. L’histoire humaine est chose naturelle comme le reste ; sa direction lui vient de ses éléments ; il n’y a point de force extérieure qui la mène, mais des forces intérieures qui la font : elle ne va pas vers un but, elle aboutit à un effet. Et cet effet principal est le progrès de l’esprit humain. « Au

  1. Introduction à l’Essai sur les mœurs : Des sauvages. — Buffon, Époques de la nature, septième époque. Sur l’amélioration des espèces utiles, il énonce d’avance les idées de Darwin.
  2. Remarques de l’Essai sur les mœurs : « On peut parler de ce peuple en théologie, mais il mérite peu de place en histoire. » — Entretiens entre A, B, C, 7e entretien.