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L’ANCIEN RÉGIME


rouage central dépendent une multitude de rouages secondaires. Car, si l’horloge marche, c’est par l’accord de ses diverses pièces, d’où il suit que, si l’accord cesse, l’horloge se détraquera. Mais, outre le ressort principal, il y en a d’autres qui, agissant sur lui ou combinant leur action avec la sienne, impriment à chaque horloge un tour propre et une marche particulière. Tel est d’abord le climat, c’est-à-dire le degré du chaud et du froid, du sec et de l’humide, avec ses conséquences infinies sur le physique et sur le moral de l’homme, par suite sur la servitude ou la liberté politique, civile et domestique. Tel est aussi le terrain, selon sa fertilité, sa position et sa grandeur. Tel est le régime physique, selon que le peuple est chasseur, pasteur ou agriculteur. Telle est la fécondité de la race, par suite la multiplication lente ou rapide de la population, et aussi le nombre excessif tantôt des mâles, tantôt des femelles. Tels sont enfin le caractère national et la religion. — Toutes ces causes ajoutées l’une à l’autre ou limitées l’une par l’autre contribuent ensemble à un effet total, qui est la société. Simple ou compliquée, stable ou changeante, barbare ou civilisée, cette société a en elle-même ses raisons d’être. On peut expliquer sa structure, si bizarre qu’elle soit, ses institutions, si contradictoires qu’elles paraissent. Ni la prospérité, ni la décadence, ni le despotisme, ni la liberté ne sont des coups de dés amenés par les vicissitudes de la chance, ou des coups de théâtre improvisés par l’arbitraire d’un homme. Elles ont des conditions