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L’ANCIEN RÉGIME


il les faut toutes et aux endroits marqués, d’abord le sujet avec ses appendices, puis le verbe, puis le régime direct, enfin le complément indirect. De cette façon, la phrase est un échafaudage gradué, où l’esprit place d’abord la substance, puis la qualité, puis les manières d’être de la qualité, comme un bon architecte qui pose en premier lieu le fondement, puis la bâtisse, puis les accessoires, par économie et par prudence, afin de préparer dans chaque morceau de son édifice un support pour le morceau qui suit. Il n’y a pas de phrase qui demande une moindre dépense d’attention, ni où l’on puisse, à chaque pas, constater plus sûrement l’attache ou l’incohérence des parties[1]. — La méthode qui arrange la phrase simple arrange aussi la période, le paragraphe et la série des paragraphes ; elle fait le style, comme elle a fait la syntaxe. Dans le grand édifice total, il y a, pour chaque petit édifice partiel, un lieu distinct, et il n’y en a qu’un. À mesure que le discours avance, chaque emplacement doit se remplir à son tour, jamais avant, jamais après, sans que jamais un membre parasite soit introduit, sans que jamais un membre légitime usurpe sur son voisin ; et tous ces membres, liés entre eux par leur position même, doivent concourir de toutes leurs forces à un seul objet. Enfin, pour la première fois, voici dans un écrit des groupes naturels et distincts, des ensembles clos et complets, dont aucun n’empiète ni ne

    taigne, pour voir combien alors elles étaient nombreuses et variées.

  1. Vaugelas, ib. « Il n’y a pas de langue qui soit plus ennemie des équivoques et de toutes sortes d’obscurités. »