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L’ANCIEN RÉGIME


vissement, aux jours du malheur ou de maladie, sur les conseils de sa concubine ou de sa femme, il se repent il restitue au double, au décuple et au centuple, il prodigue les donations et les immunités[1]. Ainsi, sur tout le territoire, le clergé garde et agrandit ses asiles pour les vaincus et pour les opprimés. — D’autre part, parmi les chefs de guerre aux longs cheveux, à côté des rois vêtus de fourrures, l’évêque mitré et l’abbé au front tondu siègent aux assemblées ; ils sont les seuls qui tiennent la plume, qui sachent discourir. Secrétaires, conseillers, théologiens, ils participent aux édits, ils ont la main dans le gouvernement, ils travaillent par son entremise à mettre un peu d’ordre dans le désordre immense, à rendre la loi plus raisonnable et plus humaine, à rétablir ou à maintenir la piété, l’instruction, la justice, la propriété et surtout le mariage. Certainement on doit à leur ascendant la police telle quelle, intermittente, incomplète, qui a empêché l’Europe de devenir une anarchie mongole. Jusqu’à la fin du douzième siècle, si le clergé pèse sur les princes, c’est surtout pour refréner en eux et au-dessous d’eux les appétits brutaux, les rébellions de la chair et du sang, les retours et les accès de sauvagerie irrésistible qui démolissaient la société. — Cependant, dans ses églises et dans ses couvents, il conservait les anciennes acquisitions du genre humain, la langue latine, la littérature et la théologie chrétiennes, une portion de la littérature

  1. Par exemple Chilpéric, sur les conseils de Frédégonde, après la mort de tous leurs enfants.