universelle, viennent se réfugier sous sa garde, leur condition
est plus dure : la terre est à lui, puisque sans
lui elle serait inhabitable ; s’il leur en accorde une parcelle,
si même il leur permet seulement d’y camper,
s’il leur donne du travail ou des semailles, c’est aux
conditions qu’il édicte. Ils seront ses serfs, ses main-mortables ;
quelque part qu’ils aillent, il aura le droit
de les ressaisir et ils seront, de père en fils, ses
domestiques-nés, applicables au métier qu’il lui plaira,
taillables et corvéables à sa merci, ne pouvant rien
transmettre à leur enfant que si celui-ci, « vivant à leur
pot », peut après leur mort continuer leur service. « Ne
pas être tué, dit Stendhal, et avoir l’hiver un bon
habit de peau, tel était pour beaucoup de gens le
suprême bonheur au dixième siècle » ; ajoutons-y
pour une femme celui de ne pas être violée par toute
une bande. Quand on se représente un peu nettement
la condition des hommes en ce temps-là, on comprend
qu’ils aient accepté de bon cœur les pires droits féodaux,
même celui de marquette ; ce qu’on subissait tous
les jours était pire encore[1]. La preuve en est qu’on
accourait dans l’enceinte féodale, sitôt qu’elle était
faite ; en Normandie, par exemple, dès que Rollon eut
divisé les terres au cordeau et pendu les voleurs, les
gens des provinces voisines affluèrent pour s’établir ; un
peu de sécurité suffisait pour repeupler un pays.
- ↑ Voir dans les Voyages de Caillaud en Nubie et en Abyssinie les razzias d’esclaves faites par les armées du pacha ; tel était à peu près le spectacle que donnait l’Europe de 800 à 900.