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L’ANCIEN RÉGIME


rousses, faisant travailler à des murs de pierre sèche dans sa terre, et s’enivrant avec le maréchal-ferrant du lieu » ; parent du cardinal Fleury, on fit de lui le premier duc de Fleury. — Tout contribue à cette décadence, la loi, les mœurs, et d’abord le droit d’aînesse. Institué pour que la souveraineté et le patronage ne soient pas divisés, il ruine les nobles, depuis que la souveraineté et le patronage n’ont plus de matière propre. « En Bretagne[1], dit Chateaubriand, les aînés nobles emportaient les deux tiers des biens, et les cadets se partageaient entre eux tous un tiers de l’héritage paternel. » Par suite, « les cadets des cadets arrivaient promptement au partage d’un pigeon, d’un lapin, d’une canardière et d’un chien de chasse. Toute la fortune de mon aïeul ne dépassait pas cinq mille livres de rente, dont l’aîné de ses fils emportait les deux tiers, trois mille trois cents livres ; restait mille six cent soixante-six livres pour les trois cadets, sur laquelle somme l’aîné prélevait encore le préciput ». — Cette fortune qui s’émiette et s’anéantit, ils ne savent ni ne veulent la refaire par le négoce, l’industrie ou l’administration : ce serait déroger « Hauts et puissants seigneurs d’un colombier, d’une crapaudière et d’une garenne », plus la substance leur manque, plus ils s’attachent au nom. — Joignez à cela le séjour d’hiver à la ville, la représentation, les dépenses que comportent la vanité et le besoin de

  1. La règle est analogue dans les autres coutumes, notamment dans celle de Paris. (Renauldon, ib., 134.)