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LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ


permanent qui leur succède ; bref, sous l’intendant et à côté de lui, il garde une prééminence, bien mieux, une influence à peu près semblable à celle que conserve aujourd’hui sur son domaine tel grand-duc incorporé dans le nouvel empire allemand. Près de lui, dans le Hainaut, l’abbé de Saint-Amand possède les sept huitièmes du territoire de la prévôté et perçoit sur le dernier huitième les rentes seigneuriales, des corvées et la dîme ; de plus, il nomme le prévôt et les échevins, en sorte, disent les doléances, « qu’il compose tout l’État, ou plutôt qu’il est lui seul tout l’État[1] ». — Je ne finirais pas, si j’énumérais tous ces gros lots. Ne prenons que celui des prélats, et par un seul côté, celui de l’argent. Dans l’Almanach royal et dans la France ecclésiastique de 1788, nous lisons leur revenu avoué ; mais le revenu véritable est de moitié en sus pour les évêchés, du double et du triple pour les abbayes, et il faut encore doubler ce revenu véritable pour en avoir la valeur en monnaie d’aujourd’hui[2]. Les cent trente et un évêques et archevêques ont ensemble 5 600 000 livres de revenu épiscopal et 1 200 000 livres en abbayes, en moyenne 50 000 livres par tête dans l’imprimé, 100 000 en fait : aussi bien aux yeux des contemporains, au dire des spectateurs qui savaient la vérité vraie, un évêque était « un grand seigneur ayant 100 000 livres de rente[3] ». Quelques

  1. La ville de Saint-Amand, à elle seule, contient aujourd’hui 10 210 habitants.
  2. Voir la note 3 à la fin du volume.
  3. Marquis de Ferrières, Mémoires, II, 57 : « Tous en avaient 100 000, quelques-uns 200, 300 et jusqu’à 800 000. »
  anc. rég. i.
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