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LE RÉGIME MODERNE


seul, à son compte ; c’est un propriétaire qui, au lieu de louer, fait valoir, et devient son propre fermier. Partant, dans son propre intérêt, il tient compte de l’avenir, il limite les recettes de l’année courante afin de ne pas compromettre les recettes des années suivantes, il évite de ruiner le contribuable présent qui est aussi le contribuable futur ; il ne prodigue pas les tracasseries gratuites, les poursuites dispendieuses, les saisies, la prison ; il répugne à faire, d’un travailleur qui lui profite, un mendiant qui ne lui rapporte rien ou un détenu qui lui coûte. De ce chef, le soulagement est immense ; dix ans avant la Révolution[1], on calculait qu’en principal et en accessoires, surtout en frais de perception et en amendes, l’impôt indirect coûtait à la nation le double de ce qu’il rapportait au roi, qu’elle payait 371 millions pour qu’il en reçût 184, que la gabelle seule, pour verser 45 millions dans ses coffres, puisait 100 millions dans les poches du contribuable. Sous le régime nouveau, les amendes deviennent rares ; les saisies, les exécutions, les ventes de meubles sont encore plus rares, et les frais de perception, réduits par la consommation croissante, s’abaisseront jusqu’à n’être plus qu’un vingtième, au lieu d’un cinquième, de la recette[2]. — En se-

  1. Letrosne, De l’administration des finances et de la réforme de l’impôt (1779), 148, 262. — Laboulaye, De l’administration française sous Louis XVI (Revue des cours littéraires, 1864-1865, 677). — « Je crois qu’on prenait au moins 5 sous Louis XIII, et 4 sous Louis XV, pour avoir 2. »
  2. Paul Leroy-Beaulieu, Traité de la science des finances, I, 261. (En 1875, ces frais sont de 5,20 pour 100.) — A. de Foville, la France économique. (Frais des douanes et sels : en 1828, 16,2 pour 100 ;