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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


accidentelle et temporaire. Après la victoire et la paix, son gouvernement continue à la réclamer : elle devient permanente et définitive ; après les traités de Lunéville et d’Amiens, Napoléon la maintient en France ; après les traités de Paris et de Vienne, le gouvernement prussien la maintiendra en Prusse. De guerre en guerre, l’institution s’est aggravée ; comme une contagion, elle s’est propagée d’État en État ; à présent, elle a gagné toute l’Europe continentale, et elle y règne avec le compagnon naturel qui toujours la précède ou la suit, avec son frère jumeau, avec le suffrage universel, chacun des deux plus ou moins produit au jour et tirant après soi l’autre plus ou moins incomplet et déguisé, tous les deux conducteurs ou régulateurs aveugles et formidables de l’histoire future, l’un mettant dans les mains de chaque adulte un bulletin de vote, l’autre mettant sur le dos de chaque adulte un sac de soldat : avec quelles promesses de massacre et de banqueroute pour le xxe siècle, avec quelle exaspération des rancunes et des défiances internationales, avec quelle déperdition du travail humain, par quelle perversion des découvertes productives, par quel perfectionnement des applications destructives, par quel recul vers les formes inférieures et malsaines des vieilles sociétés militantes, par quel pas rétrograde vers les instincts égoïstes et brutaux, vers les sentiments, les mœurs et la morale de la cité antique et de la tribu barbare, nous le savons, et de reste. Il nous suffit pour cela de mettre face à face les deux régimes militaires, celui d’autrefois et celui d’aujourd’hui : autrefois, en