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LE RÉGIME MODERNE


pourtant elle reste tolérable ; c’est seulement vers 1807[1] qu’elle devient monstrueuse, et va s’empirant d’année en année, jusqu’à devenir le tombeau de toute la jeunesse française, jusqu’à prendre, pour en faire de la chair à canon, les adolescents qui n’ont pas encore l’âge, et les hommes déjà exemptés ou rachetés. Mais, telle qu’elle était avant ces excès, elle peut, avec des adoucissements, être maintenue ; il suffira presque de la retoucher, d’ériger en droits les exemptions et la faculté de remplacement qui n’étaient que des grâces[2], de réduire le contingent annuel, de limiter la durée du service, de garantir aux libérés leur libération définitive, pour faire en 1818 une loi de recrutement suffisante, efficace, qui, pendant plus d’un demi-siècle, atteindra son objet, sans être trop nuisible ni trop odieuse, et qui, parmi tant de lois du même genre, toutes malfaisantes, est peut-être la moins mauvaise.

  1. Thiers, VII, 23 et 467. En novembre 1806. Napoléon appelle la conscription de 1807 ; en mars 1807, il appelle la conscription de 1808, et ainsi de suite, toujours de pis en pis. — Décrets de 1808 et 1813 contre les jeunes gens de famille déjà rachetés ou exemptés. — Journal d’un bourgeois d’Évreux, 214. Désolation en 1813, « tristesse et découragement général » ; en 1814, à propos des cohortes urbaines, « consternation ». — Miot de Mélito, III, 304 (Rapport de Miot à l’Empereur après une tournée dans les départements en 1815) : « Vous avez presque partout dans les femmes des ennemies déclarées. »
  2. Loi du 17 ventôse an VIII, titre III, articles 6, 7, 8, 9. — L’exemption n’est accordée aux frères ignorantins et aux séminaristes ordonnés que comme une grâce. — Cf. la loi du 18 mars 1818, articles 15 et 18.