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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 10, 1904.djvu/145

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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


puisqu’il les invite et les réduit tous à concourir sous son arbitrage, il est tenu d’être un arbitre impartial ; puisque la qualité de citoyen, par elle-même et par elle seule, confère le droit de parvenir, tous les citoyens, indifféremment, auront le droit de parvenir à tous les emplois, aux plus hauts emplois, et cela sans distinction de naissance, de fortune, de culte ou de parti. Plus d’exclusions préalables ; plus de préférences gratuites, de faveurs imméritées, d’avancements anticipés ; plus de passe-droits. — Telle est la règle de l’État moderne : constitué comme il l’est, c’est-à-dire accapareur et omniprésent, il ne peut pas la violer longtemps et impunément. En France, du moins, le bon et le mauvais esprit égalitaire s’accordent pour exiger qu’il la suive : là-dessus, les Français sont unanimes ; aucun article de leur code social ne leur tient plus au cœur ; celui-ci flatte les amours-propres et plaît aux imaginations ; il exalte l’espérance, il nourrit l’illusion, il redouble la force et la joie de vivre. — Jusqu’ici, le principe inerte, impuissant, demeurait suspendu en l’air, dans la région vide des déclarations spéculatives et des promesses constitutionnelles ; Napoléon le fait descendre sur terre, dans la pratique ; ce que, depuis dix ans, les Assemblées décrétaient en vain, il l’effectue pour la première fois, et dans son intérêt propre. Exclure des places et de l’avancement une classe ou catégorie d’hommes, ce serait se priver gratuitement de tous les talents qu’elle contient, et, de plus, encourir, outre la rancune inévitable de tous ces talents frustrés, le mécontentement