Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 10, 1904.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
LE RÉGIME MODERNE

II

Considérons d’abord la société locale, province, département et commune ; depuis 1789, le législateur n’a pas cessé de la violenter et de la déformer. À son endroit, il refuse d’ouvrir les yeux ; préoccupé de théories, il ne veut pas la reconnaître pour ce qu’elle est en fait, pour une société d’espèce distincte, différente de l’État, ayant son objet propre, ses limites tracées, ses membres désignés, son statut dessiné, toute formée et définie d’avance. — Puisqu’elle est locale, elle est fondée sur la proximité plus ou moins grande des habitations. Ainsi, quand on veut la comprendre, il faut observer le cas où cette proximité est la plus grande ; c’est celui de quelques maisons dans nos villes du Sud-Est, par exemple à Grenoble et Annecy ; parfois une même maison y appartient à plusieurs propriétaires distincts, chacun possédant son étage ou son appartement dans un étage, tel la cave ou le grenier, chacun d’eux ayant tous les droits de propriété sur sa portion, le droit de la louer, de la vendre, de la léguer, de l’hypothéquer, mais tous en communauté pour l’entretien du toit et des gros murs. — Manifestement, leur association n’est pas libre ; bon gré mal gré, chacun en est membre, car chacun jouit ou pâtit du bon ou du mauvais état du toit et des gros murs : partant tous doivent fournir leur quote-part dans les frais indispensables. Même à la majorité des voix, ils ne sauraient s’en dispenser ; un