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LE RÉGIME MODERNE


balance se lassent contrepoids. Dans la société locale, les soins que l’on donne à la voie publique et les précautions que l’on prend contre les fléaux naturels ont deux effets utiles, l’un qui améliore surtout la condition des personnes, l’autre qui améliore surtout la condition des choses. — Le premier est égal et le même pour tous ; autant que le riche, le pauvre a besoin d’aller, de venir, de vaquer à ses affaires ; il use autant de la rue, du pavé, des trottoirs, des ponts, des chaussées, de la fontaine ; il jouit autant du balayage, de l’éclairage et des jardins publics. On peut même affirmer qu’à certains égards il en profite davantage, car il souffre plus vite et plus à fond quand la dégradation des chemins suspend les transports, arrête le travail et renchérit les vivres ; il offre plus de prise à la contagion, aux épidémies, à tous les fléaux physiques ; en cas d’incendie, les risques de l’ouvrier dans son grenier, au sommet d’un escalier étroit et raide, sont plus grands que ceux du propriétaire opulent au premier étage, dans un hôtel muni de larges escaliers ; en cas d’inondation, le danger est plus subitement mortel pour le petit villageois, dans sa chaumière fragile, que pour le gros cultivateur, dans ses bâtisses massives. Ainsi, de ce chef, le pauvre doit autant que le riche ; du moins, le riche ne doit pas plus que le pauvre ; si, chaque année, le pauvre ne peut payer qu’un franc, le riche, chaque année, ne doit payer que vingt sous. — Au contraire, le second avantage n’est pas égal pour tous, mais plus ou moins grand pour chacun, selon sa dépense sur place, selon ses bénéfices in-