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LE RÉGIME MODERNE


sonnes, individuelles ou collectives, partant des sociétés locales et de l’État lui-même ; il doit prendre garde d’abdiquer et prendre garde d’usurper. — Il abdique entre les mains des sociétés locales quand, par optimisme ou faiblesse, il leur livre une portion du domaine public, quand il les charge de recouvrer ses impôts, de nommer les juges et les commissaires de police, d’employer la force armée, bref quand il leur délègue chez elles des fonctions qu’il doit lui-même exercer chez elles, parce qu’il en est l’entrepreneur spécial et responsable, seul bien placé, compétent, outillé et qualifié pour les remplir. En revanche, il usurpe au préjudice des sociétés locales, quand il s’attribue une portion de leur domaine privé, quand il confisque leurs biens, quand il dispose arbitrairement de leurs capitaux ou de leurs revenus, quand il leur impose des dépenses excessives pour le culte, la charité, l’éducation, pour tout service qui est l’œuvre propre d’une société différente, quand il refuse de distinguer, dans le maire, le représentant de la commune et le fonctionnaire public, quand il subordonne le premier de ces deux titres au second, quand il s’arroge le droit de donner ou d’ôter, avec le second qui lui appartient, le premier qui ne lui appartient pas, quand, en pratique et sous sa main, la commune et le département cessent d’être des compagnies privées, pour devenir des compartiments administratifs. — Selon les occasions et les tentations, il glisse sur une pente ou sur l’autre, tantôt vers le renoncement qui fait de lui un démissionnaire, tantôt vers l’ingérence qui fait de lui un intrus.