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LE RÉGIME MODERNE


intéressés, et trop personnellement, au maintien de l’ordre[1]. D’ailleurs, pour représenter son gouvernement, il a besoin de gens décoratifs ; or il n’y a que ceux-ci pour l’être gratis, pour faire figure sans appointements, à leurs propres frais, d’eux-mêmes et sur place. En outre, ils sont les plus éclairés, les plus capables d’entendre un compte, d’examiner, article par article, les

  1. La pièce suivante montre le sens et la portée du changement qui s’opère à partir de l’an VIII, et le contraste des deux personnels administratifs (Archives nationales, F7, 3219 ; lettre de M. Alquier au Premier Consul, 18 pluviôse an VIII). M. Alquier, en mission pour Madrid, s’était arrêté à Toulouse et envoie un rapport sur l’administration de la Haute-Garonne : « J’ai voulu voir l’administration centrale. J’y ai trouvé les idées et le langage de 1793. Deux personnages y jouent un rôle actif, les citoyens Barrau et Desbarreaux. Le premier a exercé, jusqu’en 1792, le métier de cordonnier, et il n’a dû sa fortune politique qu’à son audace et à son délire révolutionnaire. Le second. Desbarreaux, a été comédien à Toulouse ; il y jouait les valets ; au mois de prairial an III, il a été forcé de demander pardon sur la scène, à genoux, d’avoir prononcé des discours incendiaires, à une époque antérieure, dans le temple décadaire. Le public, ne jugeant pas la réparation suffisante, refusa de l’entendre et le chassa du théâtre. Aujourd’hui, il réunit à ses fonctions d’administrateur du département l’emploi de caissier des comédiens, qui lui payent, à ce titre, 1200 francs d’émoluments… On ne reproche point aux municipaux de manquer de probité ; mais ils ont été tirés d’une classe trop inférieure et ils ont trop peu de considération personnelle pour atteindre à la considération publique… La commune de Toulouse souffre impatiemment d’être gouvernée par des hommes faibles, ignorants, confondus autrefois dans la foule et qu’il est pressant peut-être d’y faire rentrer… C’est une chose à remarquer que, dans une cité importante, qui offre un grand nombre de citoyens recommandables dans tous les genres de talent et d’instruction, on n’ait appelé aux fonctions publiques que des hommes qui, sous le rapport de l’éducation, des connaissances acquises et des formes de convenance, n’offrent aucune garantie au gouvernement et aucun motif à l’estime publique. »