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LE DÉFAUT ET LES EFFETS DU SYSTÈME


même titre et le même costume, installés dans le même hôtel, pour faire la même besogne, avec un zèle égal, c’est-à-dire avec un zèle dangereux, si bien qu’à leur audience finale, quand ils partent pour leurs départements, M. de Talleyrand, profond connaisseur des institutions et des hommes, leur donne, comme dernière instruction, ce mot d’ordre admirable : « Surtout, pas de zèle ! » — Selon le conseil de Fouché, les Bourbons « se sont couchés dans le lit de Napoléon » ; c’est le lit de Louis XIV. mais plus ample et plus commode, élargi par la Révolution et par l’Empire, adapté à la taille de son dernier occupant, agrandi par lui jusqu’à couvrir toute la France. Quand, après vingt-cinq ans d’exil, on rentre dans sa maison, il est agréable d’y trouver un pareil lit tout dressé ; le défaire et refaire l’ancien, ce serait double embarras ; d’ailleurs, dans l’ancien, on était moins à l’aise : profitons de ce que les révoltés et l’usurpateur ont fait de bon. Sur cet article, non seulement le roi, mais encore les Bourbons les plus surannés, sont révolutionnaires et bonapartistes ; autoritaires par tradition et accapareurs par situation, ils acceptent sans regret la démolition systématique opérée par la Constituante et la centralisation systématique instituée par le Premier Consul. Promené en 1815 parmi les ponts, les canaux, les superbes chaussées du Languedoc, le duc d’Angoulême, à qui l’on rappelle que ces grands travaux ont jadis été faits par les États de la

    parfois, en marge, le ministre de l’intérieur a fait un trait au crayon, avec cette note : À mettre sous les yeux du Roi.