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LE DÉFAUT ET LES EFFETS DU SYSTÈME


étroite, département ou commune, la société locale ne sent plus qu’elle est un corps naturel, composé de membres involontairement solidaires ; ce sentiment, affaibli déjà et languissant à la fin de l’ancien régime, a péri chez elle sous les coups multipliés de la Révolution et sous la compression prolongée de l’Empire ; depuis vingt-cinq ans, elle a trop pâti, elle a été trop arbitrairement fabriquée ou mutilée, trop souvent refondue, défaite et refaite. — Dans la commune, tout a été bouleversé à plusieurs reprises, la circonscription territoriale, le régime interne et externe, la propriété collective. Aux 44 000 municipalités improvisées par la Constituante ont succédé, sous le Directoire, 6000 ou 7000 municipalités de canton, sorte de syndicats locaux, représentés dans chaque commune par un agent, subalterne, puis, sous le Consulat, 36 000 communes distinctes et définitives. Souveraines au début par l’imprévoyance et l’abdication de la Constituante, les communes sont devenues, sous la main de la Convention, des sujettes tremblantes, livrées à la brutalité des pachas ambulants et des agas résidents que la tyrannie jacobine leur imposait, puis, sous l’Empire, des administrées dociles, régies d’en haut et correctement, mais sans autorité chez elles, partant indifférentes à leurs propres affaires et dépourvues d’esprit public. D’autres atteintes plus graves les ont blessées encore plus à vif et plus à fond. Sur un décret de la Législative, en toute commune où le tiers des habitants demandait le partage des biens communaux, la commune a été dépouillée, et son