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LE RÉGIME MODERNE

II

En effet, le suffrage universel, direct et compté par têtes, est, dans la société locale, une pièce disparate, un engin monstrueux, et celle-ci répugne à l’admettre. Constituée comme elle l’est, non par l’arbitraire humain, mais par des conditions physiques, son mécanisme est déterminé d’avance ; il exclut certains rouages et agencements. C’est au législateur à le transcrire dans la loi tel qu’il est écrit dans les choses, du moins à le traduire à peu près et sans contresens grossiers ; la nature elle-même lui présente des statuts tout faits. À lui de les bien lire : il y a lu déjà la répartition des charges ; il y peut lire maintenant la répartition des droits.

Ainsi qu’on l’a vu, la société locale rend deux services distincts, qui, pour être défrayés l’un et l’autre, comportent deux cotes distinctes, l’une personnelle et l’autre réelle : la première, dont le chiffre est le même pour chacun ; la seconde, dont le chiffre hausse pour chacun en proportion de sa dépense, de l’importance de ses affaires et de son revenu en immeubles. — En stricte équité, le chiffre de la première devrait être égal au chiffre moyen de la seconde : en effet, comme on l’a montré, les services que la première défraye sont aussi nombreux, divers et précieux, encore plus vitaux et non moins coûteux que ceux dont la seconde est le prix. Des deux intérêts qu’elles représentent, chacun, s’il était seul, serait obligé, pour obtenir les mêmes services, de