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LE DÉFAUT ET LES EFFETS DU SYSTÈME


des conscrits enrôlés par la contrainte d’une solidarité physique, mais des souscripteurs engagés par la seule impulsion de leur préférence réfléchie, et chacun d’eux y reste, comme il y est entré, de son plein gré ; pour en sortir, il n’aurait qu’à vendre ses actions ; par cela seul qu’il les garde, il confirme sa souscription, et incessamment, par une acceptation quotidienne, il signe à nouveau le statut. Ainsi, voilà une association parfaitement libre ; elle est donc parfaitement équitable, et son statut doit servir de modèle aux autres. — Or ce statut distingue toujours entre les petits et les gros actionnaires ; toujours il attribue une plus grande part d’autorité et d’influence à ceux qui ont une plus grande part dans les risques et les frais ; en principe, il proportionne le nombre des voix qu’il confère à chaque membre au nombre des actions dont ce membre est propriétaire ou porteur. — À plus forte raison doit-on inscrire ce principe dans le statut d’une société qui, comme la société locale, diminue par ses dégrèvements la charge du petit contribuable, et augmente par ses surtaxes la charge du contribuable gros ou moyen ; quand la nomination des gérants y est livrée au suffrage universel compté par têtes, les gros et moyens contribuables y sont fraudés de leur dû et dépouillés de leur droit, dépouillés plus à fond et lésés plus à vif que ne le serait le porteur ou propriétaire de mille actions dans une entreprise d’omnibus ou d’éclairage, si, quand il vote dans l’assemblée générale des actionnaires, il n’avait pas plus de voix que le propriétaire ou porteur d’une seule