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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


ceux-ci n’avaient acheté ou loué que défalcation faite de cette charge. En tout cas, les biens fonciers de l’Église étaient à elle, sans dommage pour personne, par le titre de propriété le plus légal et le plus légitime, par la volonté dernière des millions de morts, ses fondateurs et bienfaiteurs. On lui a tout pris, même les maisons de prière qui, par leur emploi, leur aménagement et leur architecture, étaient le plus manifestement des œuvres chrétiennes et des choses ecclésiastiques, 38 000 presbytères, 4000 couvents, plus de 40 000 églises paroissiales, cathédrales et chapelles ; chaque matin, l’homme ou la femme du peuple, en qui s’est ravivé le besoin du culte, passe devant quelqu’une de ces bâtisses ravies au culte ; par leur forme et leur nom, elles lui disent tout haut ce qu’elles ont été, ce qu’aujourd’hui encore elles devraient être. Des philosophes incrédules, d’anciens conventionnels[1] entendent cette voix ; tous les catholiques l’entendent, et, sur les trente-cinq millions de Français[2], plus de trente-trois millions sont catholiques.

  1. Archives nationales, cartons 3144 et 3145, n° 1004 Rapport de Fourcroy) : « Ce qu’on voit partout sur la célébration du dimanche et sur la fréquentation des églises prouve que la masse des Français veut revenir aux anciens usages, et il n’est plus temps de résister à cette pente nationale… La grande masse des hommes a besoin de religion, de culte et de prêtres. C’est une erreur de quelques philosophes modernes, à laquelle j’ai été moi-même entraîné, que de croire à la possibilité d’une instruction assez répandue pour détruire les préjugés religieux ; ils sont, pour le grand nombre des malheureux, une source de consolation… Il faut donc laisser à la masse du peuple ses prêtres, ses autels et son culte. »
  2. Peuchet, Statistique élémentaire de la France (publiée en 1805), 228. D’après les états fournis par les préfets en l’an IX et


  le régime moderne, ii.
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