Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 10, 1904.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
LE RÉGIME MODERNE


ciers et en rentes sur le Trésor, 17 millions par an. Comme il a la force et qu’il fait la loi, il n’a pas de peine à obtenir ou à se donner quittance ; c’est un failli qui a mangé l’argent de ses créanciers et leur jette en aumône 6 pour 100 de leur créance.

Naturellement, il profite de l’occasion pour les mettre dans sa dépendance étroite et permanente, pour ajouter aux chaînes dont l’ancienne monarchie avait déjà chargé les corps qui administrent les fortunes collectives. Toutes ces chaînes, Napoléon les alourdit et les resserre ; non seulement il intervient auprès des administrateurs pour leur imposer l’ordre, la probité et l’économie, mais encore il les nomme, il les révoque, il commande ou autorise chacun de leurs actes, il leur souffle leurs paroles, il veut être le suprême évêque, l’universel hospitalier, l’unique professeur et instituteur, bref le dictateur de l’opinion, le créateur et directeur de toute pensée politique, sociale et morale dans tout son empire : avec quelle rigidité et quelle ténacité d’intention, quelle variété et quelle convergence de moyens, quelle plénitude et quelle sûreté d’exécution, avec quel dommage et quels dangers, présents et futurs, pour les corps, pour le public, pour l’État, pour lui-même, on verra cela tout à l’heure ; lui-même, vivant et régnant, pourra s’en apercevoir. — Car son ingérence, poussée

    dépassaient 30 millions. » — Peuchet, Statistique élémentaire de la France (publiée en 1805), 256. Revenu des hospices et hôpitaux au temps de Necker, 40 millions, dont 23 sont le produit annuel des immeubles et 17 sont fournis par des capitaux mobiliers, contrats, rentes, part dans les octrois, etc.