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LA PROPAGATION DE LA DOCTRINE


moins encore que le vicaire savoyard, « ne voyant du mal que dans l’injustice et dans le défaut de charité ». ne considérant la religion que comme un établissement politique et un frein moral. J’en citerais nombre d’autres, M. de Grimaldi, le jeune et galant évêque du Mans, qui prend pour grands vicaires ses jeunes et galants camarades de classe, et fait de sa maison de campagne à Coulans un rendez-vous de jolies dames[1]. Concluez des mœurs aux croyances. — En d’autres cas on n’a pas la peine de conclure. Chez le cardinal de Rohan, chez M. de Brienne, archevêque de Sens, chez M. de Talleyrand, évêque d’Autun, chez l’abbé Maury, défenseur du clergé, le scepticisme est notoire. Rivarol[2], sceptique lui-même, déclare qu’aux approches de la Révolution « les lumières du clergé égalaient celles des philosophes ». — « Le corps qui a le moins de préjugés, dit Mercier[3], qui le croirait ? c’est le clergé. » Et l’archevêque de Narbonne expliquant la résistance du haut clergé en 1791[4], l’attribue, non à la foi, mais au point d’honneur. « Nous nous sommes conduits alors en vrais gentilshommes ; car, de la plupart d’entre nous, on ne peut pas dire que ce fût par religion. »

  1. Merlin de Thionville, Vie et correspondance, par Jean Reynaud, (La chartreuse du Val-Saint-Pierre. Tout le passage est à lire.) — Souvenirs manuscrits par le chancelier Pasquier.
  2. Rivarol, Mémoires, I, 344.
  3. Mercier, IV, 142. — En Auvergne, dit M. de Montlosier. « je me composai une société de prêtres beaux-esprits dont quelques-uns étaient déistes, et d’autres franchement athées, avec lesquels je m’exerçai à lutter contre mon frère ». (Mémoires, I, 37.)
  4. M. de la Fayette, Mémoires, III, 58.


  anc. rég. ii.
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