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L’ANCIEN RÉGIME


veulent du bien ? Ils ont conscience à son endroit de leur bienveillance et de leur sympathie. Non seulement ils parlent de leurs sentiments, mais ils les éprouvent. À ce moment, dit un contemporain[1], « la pitié la plus active remplissait les âmes ; ce que craignaient le plus les hommes opulents, c’était de passer pour insensibles ». L’archevêque de Paris, qu’on poursuivra à coups de pierres, a donné cent mille écus pour améliorer l’Hôtel-Dieu. L’intendant Bertier, qu’on massacrera, a cadastré l’Île-de-France pour égaliser la taille, ce qui lui a permis d’en abaisser le taux d’abord d’un huitième, puis d’un quart[2]. Le financier Beaujon bâtit un hôpital. Necker refuse les appointements de sa place et prête au trésor deux millions pour rétablir le crédit. Le duc de Charost, dès 1770[3], abolit sur ses terres les corvées seigneuriales et fonde un hôpital dans sa seigneurie de Meillant. Le prince de Bauffremont, les présidents de Vezet, de Chamolles, de Chaillot, nombre d’autres seigneurs en Franche-Comté, suivent l’exemple du roi en affranchissant leurs serfs[4]. L’évêque de Saint-Claude réclame, malgré son chapitre, l’affranchissement de ses mainmortables. Le marquis de Mirabeau établit dans son domaine du Limousin un bureau gratuit de conciliation pour arranger les procès, et chaque jour, à Fleury, fabrique neuf cents livres de pain

  1. Lacretelle, Histoire de France au dix-huitième siècle, V. 2.
  2. Procès-verbaux de l’assemblée provinciale de l’Île-de-France (1787), 127.
  3. Léonce de Lavergne. Ib., 52 369.
  4. Le cri de la raison, par Clerget, curé d’Ornans (1789), 258.