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LA PROPAGATION DE LA DOCTRINE


fournit l’Europe. En 1774, son commerce de librairie était évalué à 45 millions, et celui de Londres au quart seulement[1]. Sur les bénéfices s’élèvent beaucoup de grandes fortunes, encore plus de fortunes moyennes, et les capitaux ainsi formés cherchent un emploi. — Justement, voici que les plus nobles mains du royaume s’étendent pour les recevoir, nobles, princes du sang, états provinciaux, assemblées du clergé, au premier rang le roi, qui, étant le plus besogneux de tous, emprunte à dix pour cent et est toujours en quête de nouveaux prêteurs. Déjà sous Fleury la dette s’est accrue de 18 millions de rente, et, pendant la guerre de Sept Ans, de 34 autres millions de rente : Sous Louis XVI, M. Necker emprunte en capital 530 millions, M. Joly de Fleury 300 millions, M. de Calonne 800 millions, en tout 1 650 millions en dix ans. L’intérêt de la dette, qui n’était que de 45 millions en 1755, s’élève à 106 millions en 1776, et monte à 206 millions en 1789[2]. Que de créanciers indiqués par ce peu de chiffres ! Et remarquez que, le Tiers-état étant le seul corps qui gagne et épargne, presque tous ces créanciers sont du Tiers-état. Ajoutez-en des milliers d’autres : en premier lieu, les financiers qui font au gouvernement des avances de fonds, avances indispensables, puisque, de temps immémorial, il mange son blé en herbe, et que toujours l’année courante ronge

  1. Aubertin, 482.
  2. Buchez et Roux, Histoire parlementaire. Extrait des états dressés par les contrôleurs généraux, I, 175, 205. — Rapport de Necker, I, 376. — Aux 206 millions, il faut ajouter 15 800 000 pour les frais et intérêts des anticipations.