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LE PEUPLE


« si misérable dans cette ville, que, dès qu’on avait servi le dîner des officiers dans les auberges, le peuple se jetait dessus et le pillait. » — « Il y a plus de douze mille ouvriers mendiants à Rouen, tout autant à Tours, etc. On compte plus de vingt mille de ces ouvriers qui sont sortis du royaume depuis trois mois pour aller aux étrangers, Espagne, Allemagne, etc. À Lyon, il y a plus de vingt mille ouvriers en soie qui sont consignés aux portes ; on les garde à vue, de peur qu’ils ne passent à l’étranger. » À Rouen[1] et en Normandie, « les plus aisés ont de la peine à avoir du pain pour leur subsistance, le commun du peuple en manque totalement, et il est réduit, pour ne pas mourir de faim, à se former des nourritures qui font horreur à l’humanité ». — « À Paris même, écrit d’Argenson[2], j’apprends que le jour où M. Le Dauphin et Mme la Dauphine allèrent à Notre-Dame de Paris, passant au pont de la Tournelle, il y avait plus de deux mille femmes assemblées dans ce quartier-là qui leur crièrent : Donnez-nous du pain, ou nous mourrons de faim. » — « Un des vicaires de la paroisse Sainte-Marguerite assure qu’il a péri plus de huit cents personnes de misère dans le faubourg Saint-Antoine depuis le 20 janvier jusqu’au 20 février, que les pauvres gens expiraient de froid et de faim dans leurs greniers, et que des prêtres, venus trop tard,

  1. Floquet, ib., VII, 410 (avril 1752, Adresse du Parlement de Normandie).
  2. Marquis d’Argenson, 26 novembre 1751, 15 mars 1753.